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406 LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

c'est qu'à ce moment de l'existence du peuple dorien l'ancien régime de la gens avait déjà disparu. On ne distingue plus chez lui cette antique organisation de la famille; on ne trouve plus de traces du régime patriarcal, plus de vestiges de noblesse religieuse ni de clientèle héréditaire; on ne voit que des guer- riers égaux sous un roi. Il est donc probable qu'une première révolution sociale s'était déjà accomplie, soit dans la Doride, soit sur la route qui conduisit ce peuple jusqu'à Sparte. Si l'on compare la société dorienne du neuvième siècle avec la société ionnienne de la même époque, on s'aperçoit que la première était beaucoup plus avancée que l'autre dans la série des changements. La race ionienne est entrée plus tard dans la route des révolutions: il est vrai qu'elle Ta parcourue plus vite.

Si les Doriens, h leur atrîvée à Sparte, n'avaient plus le régime de la gens, ils n'avaient pas pu s'en détacher encore si complètement qu'ils n'en eussent gardé quelques institutions, par exemple, l'indivision et l'inaiiénabilité du patrimoine. Ces institutions ne tardèrent pas à rétablir dans la société Spar- tiate une aristocratie. ,

Toutes les traditions nous montrent qu'à l'époque où parut Lycurgue, il y avait deux classes parmi les Spartiates, et qu'elles étaient en lutte*. La royauté avait une tendance na- turelle à prendre parti pour la classe inférieure. Lycurgue, qui n'était pas roi, « se mit à la tête des meilleurs », força le roi à prêter un serment qui amoindrissait son pouvoir, institua un sénat oligarchique, et fit enfin que, suivant l'ex- pression d'Aristote, la tyrannie fut changée en aristocratie \

Les déclamations de quelques anciens et de beaucoup de modernes sur la sagesse des institutions de Sparte, sur le bon- heur inaltérable dont on y jouissait, sur l'égalité, sur la vie en commun, ne doivent pas nous faire illusion. De toutes les villes qu'il y a eu sur la terre, Sparteestpeut-ètrecelle où l'aristocratie A régné le plus durement et où Ton aie moins connu Tégalité.

1. Plutarque, Lycurgue, 8.

3. Idem, ibid., & : toO( HfCnou; -KfttHyt.

3. Arutote, PoKtigue, V, io,t (éd. Didot, p. 589).

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