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CHAP. III. RICHES ET PAUVRES. 403

o'exerçait plus l'autorité au profit de la paix et de la loi, mais au profit des intérêts et des convoitises d'un parti. Le com- mandement n'avait plus ni titres légitimes ni caractère sacré; l'obéissance n'avait plus rien de volontaire; toujours con- trainte, elle se promettait toujours une revanche. La cité n'était plus, comme dit Platon, qu'un assemblage d'hommes dont une partie était maîtresse et l'autre esclave. On disait du gouvernement qu'il était aristocratique quand les riches étaient au pouvoir, démocratique quand c'étaient les pauvres. En réalité, la vraie démocratie n'existait plus.

A partir du jour où les besoins et les intérêts matériels avaient fait irruption en elle, ella s'était altérée et corrompue. La démocratie, avec les riches au pouvoir, était devenue une oligarchie violente; la démocratie des pauvres était devenue la tyrannie. Du cinquième au deuxième siècle avant notre ère, nous voyons dans toutes les cités de la Grèce et. -"'e l'Italie, Rome encore exceptée, que les formes républicaines sont mises en péril et qu'elles sont devenues odieuses à un parti. Or, on peut distinguer clairement qui sont ceux qui veulent les dé- truire", et qui sont ceux qni les voudraient conserver. Les riches," plus éclairés et plus fiers, restent fidèles au régime républicain, pendant que les pauvres, pour qui les droits politiques ont moins de prix, se donnent volontiers pour chef un tyran. Quand cette classe pauvre, après plusieurs guerres civiles, reconnut que ses victoires ne servaient de rien, que le parti contraire revenait toujours au pouvoir, et qu'après de longues alternatives de 'confiscations et de restitutions la lutte était toujours k recommencer, elle imagina d'étabhr un régime monarchique qui fût conforme à ses intérêts, et qui, en comprimant à jamais le parti contraire, lui assurât pour l'avenir les bénéfices de sa victoire. C'est pour cela qu'elle créa des tyrans.

A partir de ce moment, les partis changèrent de nom : on ne fut plus aristocrate ou démocrate ; on combattit pour la liberté, ^ou on combattit pour la tyrannie. Sous ces df^ux mots, c'étaient encore la richesse et la pauvreté qui s© faisaient la guerre. Liberté signifiait le gouvernement où les riches avaient

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