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3^6 LIVRE IV. LES REVOLUTIONS.

Mais il ne paraît pas que ces hommes aient d'abord souhaité d entrer en partage des lois et des droits des patriciens. Peut- être croyaient-ils, comme les patriciens eux-mêmes, qu'il i;e pouvait y avoir rien do commun entre les deîîx ordres. Nul ne songeait k l'igalité civile et politique. Que la plèbe pûl s'élever au niveau du patriciat, cela n'entrait pas plus dans l'esprit du plébéien des premiers siècles que du patricien. Loin donc de réclamer l'égalité des droits et des lois, ces hommes semblent avoir préféré d'abord une séparation complète. Dana Rome ils ne trouvaient pas de remède à leurs souffrances; ils ne virent qu'un moyen de sortir de leur infériorité, c'était de s'éloigner de Rome.

L'historien ancien rend tien leur pensée quand il leur attri- bue ce langage : « Puisque les patriciens veulent posséder seuls la cité, qu'ils en jouissent à leur aise. Pour nous Rome n'est rien. Nous n'avons là ni foyers, ni sacrifices, ni patrie. Nous ne quittons qu'une ville étrangère ; aucune religion héré- ditaire ne nous attache à ce lieu. Toute terre nous est bonne; là oîi nous trouverons la liberté, là sera notre patrie <. » Et ils allèrent s'établir sur le mont Sacré, en dehors des limites de Vager romanus.

En présence d'un tel acte, le Sénat fut partagé de senti- ments. Les plus ardents des patriciens laissèrent voir que le départ de la plèbe était loin de les affliger. Désormais les pa- triciens demeureraient seuls à Rome avec les clients qui leur étaient encore fidèles. Rome renoncerait à sa grandeur future, mais le patriciat y serait le maître. On n'aurait plus à s'oc- cuper de cette plèbe, à laquelle les règles ordinaires du gou- vernement ne pouvaient pas s'appliquer, et qui était un em- barras dans la cité. On aurait dû peut-être la chasser en même temps que les rois , puisqu'elle prenait d'elle-même le parti de s'éloigner, on devait la laisser faire et se réjouir.

Mais d'autres, moins fidèles aux vieux principes ou plus soucieux de la grandeur romaine, s'affligeaient du départ de la plèbe. Rome perdait la moitié de ses soldats. Qu'allait-elle

i. Deaja, VI,ii; VI, 79.

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