Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1920.djvu/353

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAP. Vil. PROGRÈS DE LA PLÈBE. 345

«alculèrenlquepar le sacrifice de quelque argent ils la fcraier tomber dans leurs liens. L'homme de la plèbe emprunta, empruntant il se donnait au créancier, se liait à lui par sorte d'opération que les Romains appelaient nexum. C'éta une façon de vente qui se faisait per-aes et libram, c'est-à* dire avec la formalité solennelle que l'on employait d'ordi- naire pour conférer à un homme le droit de propriété sur un ob- jet'. Il est vrai que le plébéien prenait ses sûretés contre la servitude ; par une sorte de contrat fiduciaire, il stipulait qu'il garderait son rang d'homme libre jusqu'au jour de l'échéance ît que ce jour-là il reprendrait pleine possession de lui-même 3n remboursant la dette. Mais ce jour venu, si la dette n'était pas éteinte, le plébéien perdait le- bénéfice de son contrat. Devenu addictus, il tombait à la discrétion du créancier qui l'emmenait dans sa maison et en faisait son serviteur. En tout cela le patricien ne croyait pas faire acte d'inhumanité ; l'idéal de la société étant à ses yeux le régime de la gens, il ne voyait rien de plus légitime et de plus beau que d'y ramener les hommes par quelque moyen que ce fût. Si son plan avait réussi, la plèbe eût en peu de temps disparu, et la cité ro- maine n'eût été que l'association des gentes patriciennes se partageant la foule des clients.

Mais celle clientèle était une chaîne dont le plébéien avait horreur. 11 se débalfail contre le patricien qui, armé de sa créance, voulait l'y faire tomber. La clientèle était poirr lui l'équivalent de l'esclavage; la maison du patricien était à ses yeux une prison (ergastulum). Maintes fois le plébéien, saisi par la main patricienne, implora l'appui de ses semblables et ameuta la plèbe, s'écriant qu'il était homme libre et montrant en témoignage les blessures qu'il avait reçues dans les com- bats pour la défense de Rome. Le calcul des patriciens ne servit qu'à irriter la plèbe. Elle vit le danger; elle aspira de toute son énergie à sortir de cet état précaire oià la chute du gouvernement royal l'avait placée. Elle voulut avoir des lois et des droits.

1. Varron, De Ung. laf.., VU, lOi. rita-Lire, VIII, 38. Aulu-Gelle, XX, t. Festus, y» Ntxuri.

�� �