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CHAP. VII. PROGRÈS DE LA PLÈBE. 325

pure calomnie. La crainte des grands atteste les désirs da la plèbe.

Mais il faut bien noter que, si le peuple en Grèce et à Rome cherchait à relever la monarchie, ce n'était pas par un véri- table attachement à ce régime. Il aimait moins les tyrans qu'il ne détestait l'aristocratie. La monarchie était pour lui ua moyen de vaincre et de se venger \ mais jamais ce gouverne- ment, qui n'était issu que du droit de la force et ne reposait sur aucune tradition sacrée, n'eut de racines dans le cœur des populations. On se donnait un tyran pour le besoin de la lutte; on lui laissait ensuite le pouvoir par reconnaissance ou par nécessité; mais, lorsque quelques années s'étaient écoulées et que le souvenir de la dure oligarchie s'était effacé, on laissait tomber le tyran. Ce gouvernement n'eut jamais l'affection des Grecs ; ils ne l'acceptèrer^* que comme une ressource momen- tanée, et en attendant que le parti populaire trouvât un régime meilleur ou se sentît la force de se gouverner lui-même.

La classe inférieure grandit peu à peu. Il y a des progrès qui s'accomplissent obscurément et qui pourtant décident de l'avenir d'une classe et transforment une société. Vers le sixième siècle avant notre ère, la Grèce et l'Italie virent jaillir une nouvelle source de richesse. La terre ne suffisait plus à tous les besoins de l'homme ; les goûts se portaient vers le beau et vers le luxe; même les arts naissaient; alors l'industrie et le commerce devinrent nécessaires. 11 se forma peu à peu une richesse mobilière; on frappa des monnaies; l'argent parut. Or l'apparition de l'argent était uhe grande révolution. L'argent n'était pas- soumis aux mêmes conditions de propriété que la terre ; il était, suivant l'expression du jurisconsulte, res nec mancipi; il pouvait passer de main en main sans au- cune formalité religieuse et arriver sans .obstacle au plébéien. La religion, qui avait marqué le sol d« son empreinte, ne pou- vait rien sur l'argent.

Les hommes des classes inférieures connurent alors une autre occupation que celle de cultiver la terre : il y eut des artisans, des navigateurs, des chefs d'industrie, des commer- çants ; bientôt il y eut des riches parmi eux. Singulière nou*

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