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CHAP. VI. LES CLIENTS S'AFFRANCHISSENT. 309

nota de thète ou de pélate. Tant que dure le réginie aristocra tique, ce thète ne fait pas partie de la cité ; enfermé dans un famille dont il ne peut sortir, il est sous la main d'un eupa- Vide qui a en soi le même caractère et la même autorité que le patron romain.

On peut bien présumer que de bonne heure il y eut de la haine entre le patron et le client. On se figure sans peine ce qu'était l'existence dans celte famille où l'un avait tout pou- voir et l'autre n'avait-aucun droit, où l'obéissance sans réserve et sans espoir^était tout & côté de l'omnipotence sans frein, où le meilleur maître avait ses emportements et ses caprices, où le serviteur le plus résigné avait ses rancunes, ses gémisse- ments et ses colères. Ulysse est un bon maître : voyez quelle affection paternelle il porte à Eumée et à Philaetios. Mais il fait mettre à mort un serviteur qui l'a insulté sans le reconnaître, et des servantes qui sont tombées dans le mal auquel son ab- sence même les a exposées. De la mort des prétendants il est responsable vis-à-vis de la cité; mais dé la mort des serviteurs personne ne lui demande compte.

Dans l'état d'isolement où la famille avait longtemps vécUj la clientèle avait pu se former et se maintenir. La religion domestique était. alors toute-puissante sur l'âme. L'homme qui en était le prêtre par droit héréditaire apparaissait aux classes inférieures comme un être sacré. Plus qu'un homme, il était l'intermédiaire entre les hommes et Dieu. De sa bouche sor- ta^ la prière puissante, la formule irrésistible qui attirait la faveur ou la colère de la divinité. Devant une telle force il fallait s'incliner ; l'obéissance était commandée par la foi ^t la religion. D'ailleurs, comment le client aurait-il eu la tenta- tion de s'affranchir? 11 ne voyait pas d'autre horizon que cette famille à laquelle tout l'attachait. En elle seule il trouvait une vie calme, une subsistance assurée \ en elle ':eule, s'il avait un maître, il avait aussi un protecteur; en elle seule enfin iL trou- vait un autel dont il pût approcher, et des dieux qu'il lui fût permis d'invoquer. Quitter cette famille, c'était se placer en dehors de toute organisation sociale et de tout droit; c'était perdre ses dieux et renoncer au droit de prier.

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