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différente. Chacune avait sa monnaie particulière, qui, à l’origine, était ordinairement marquée de son emblème religieux. Chacune avait ses poids et ses mesures. On n’admettait pas qu’il dût y avoir rien de commun entre deux cités. La ligne de démarcation était si profonde qu’on imaginait à peine que le mariage fût permis entre habitants de deux villes différentes. Une telle union parut toujours étrange et fut longtemps ré- putée illégitime. La législation de Rome et celle d’Athènes répugnent visiblement à l’admettre. Presque partout les enfants qui naissaient d’un tel mariage étaient confondus parmi les bâtards et privés des droits de citoyen’. Pour que le mariage fût légitime entre habitants de deux villes, il fallait qu’il y eût entre elles une convention particulière {jus connubii, Im^afifa)*.

Chaque cité avait autour de son territoire une ligne de bornes sacrées. C’était l’horizon de sa religion nationale et de ses dieux. Au delà dp ces bornes d’autres dieux régnaient et l’on pratiquait un autre culte ’.

Le caractère le plus saillant de l’histoire de la Grèce et de celle de l’ItaUe, avant la conquête romaine, c’est le morcelle- ment poussé à l’excès et l’esprit d’isolement de chaque cité. La Grèce n’a jamais réussi à former un seul Etat; ni les villes latines, ni les villes étrusques, ni les tribus samnites, n’ont jamais pu former un corps compacte. On a attribué l’incurable division des Grecs à la nature de leur pays, et l’on a dit que les montagnes qui s’y croisent établissaient entre les hommes des lignes de démarcation naturelles. Mais il n’y avait pas de montagnes entre Thèbes et Platée, entre Argos et Sparte, entre Sybaris et Crotone. Il n’y en avait pas entre les villes du Latium ni entre les douze cités de l’Étrurie. La nature physique a sans nul doute quelque action sur l’histoire des

1, Pollux, m, 21 : vô«o{ i t« Uvnî ^ naXXixiioç — S( fiv ji») 15 irs^ç x^vuta» v66a« 

«Tvai (loi citée par Athénée, XIII, 38). Démosthène, in Neœram, 16. Plutarque, Pé-rides, $7.

2. Lysias, Deanliquareip. forma,3. Démosthène, Proeorona, 91. feocraie, PkUaic, 51. — Gains, I, 6l Ulpien, V, 4. Tite-Live, XLIII, 3 ; XXX VIII, 36.

$. Plutarqae, Thésée, 25. Platon, Lois. VIII, p. 842. Pausaniàs, passim. F’ol- lui, 1, 10. BoBckh, Corp. insoripl., t. U, p. 571 et 8Î7. — La ligne des bornes sacrées de Vager romanuê eiistait encore an temps de Strabon, et sur chacune de c pierres les prèlrea faisaient chaque anuee un sacrifice (Strabon, V, 3, 3).