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CBAP. XIV. DE L ESPRIT MUNICIPAL. 237

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CHAPITRE XIV.

De l'esprit municipsd.

Ce que nous avons vu jusqu'ici des anciennes institutions ît surtout des anciennes croyances a pu nous donner une idée de la distinction profonde qu'il y avait toujours entre deux cités. Si voisines qu'elles fussent, elles formaient toujours deux sociétés complètement séparées. Entre elles, il y avait bien plus que la distance qui sépare aujourd'hui deux villes, bien plus que la frontière qui divise deux États ; les dieux n'étaient pas les mêmes, ni les cérémonies, ni les prières. Le culte d'une ité était interdit à l'homme de la cité voisine. On croyait que es dieux d'une ville repoussaient les hommages et les prières de quiconque n'était pas leur concitoyen.

Il est vrai que ces vieilles croyances se sont à la longue modifiées et adoucies-, mais elles avaient été dans leur pleine vigueur à l'époque où les sociétés s'étaient formées, et ces sociétés en ont toujours gardé l'empreinte.

On conçoit aisément deux choses : d'abord, que cette reli- gion propre à chaque ville a dû constituer la cité d'une ma- nière très-forte et presque inébranlable; il est, en effet, mer- veilleux combien cette organisation sociale, malgré ses défauts et toutes ses chances de ruine, a duré longtemps ; ensuite, que celte religion a dû avoir pour effet, pendant de longs siècles, de rendre impossible l'établissement d'une autre forme sociale que la cité.

Chaque cité, par l'exigence de sa religion même, devait être absolument indépendante. 11 fallait que chacune eût son coda particulier, puisque chacune avait sa religion et que c'était da la religion que la loi découlait. Chacune devait avoir sa justice souveraine, et il ne pouvait y avoir aucune justice supérieure à celle de la cité. Chacune avait ses fêtes religieuses et son calendrier; les mois et l'année ne pouvaient pas être les mêmes dans deux villes, puisque la série des actes religieux était

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