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CHAP. III, LE CITOYEN ET L'ÉTRANGER 229

mission de l'étranger ; ce n'était rien encore ; il fallait que, neuf jours après,- une seconde assemblée votât dans le même sens, au scrutin secret, et qu'il y eût au moins six mille suffrages favorables : chiffre qui paraîtra énorme, si l'on songe qu'il ^tait fort rare qu'une assemblée athénienne réunît ce nombre de citoyens. Enfin le premier venu parmi les Athéniens pouvait opposer une sorte de veto, attaquer le décret devant les tri- Dunaux comme contraire aux vieilles lois et le faire annuler. Il n'y avait certes pas d'acte public que le législateur eiît en- touré d'autant de difficultés et de précautions que celui qui allait conférer à un étranger le titre de citoyen, et il s'en fallaiî de beaucoup qu'il y eiit autant de formalités à remplir pour déclarer la guerre ou pour faire une loi nouvelle. D'où vient qu'on opposait tant d'obstacles à l'étranger qui voulait être citoyen? Assurément on ne craignait pas que dans les assem- blées politiques son vote fît pencher la balance. Démosthène nous dit le vrai motif et la vraie pensée des Athéniens : « C'est qu'il faut penser aux dieux et conserver aux sacrifices leur pureté. » Exclure l'étranger, c'est « veiller sur les cérémonies saintes ». Admettre un étranger parmi les citoyens, c'est « lui donner part à la religion et aux sacrifices » '. Or pour un tel acte le peuple ne se sentait pas entièrement libre, et il était saisi d'un scrupule religieux ; car il savait que les dieux natio- naux étaient portés à repousser l'étranger et que les sacrifices seraient peut-être altérés par la présence du nouveau venu. Le don du droit de cit^ à un étranger était une véritable violation des principes fondamentaux du culte national, et c'est pour cela que la cité, à l'origine, en était si avare. Encore faut-il noter que l'homme si péniblement admis comme citoyen ne pouvait être ni archonte ni prêtre. La cité lui permettait bien d'assister à son culte, mais, quant à y présider, c'eût été trop.

Nul ne pouvait devenir citoyen à Athènes, s'il était citoyen dans une autre ville*. Car il y avait une impossibilité reli-

��i. Démosthène, in Neseram, S9, 91, 93, 113, 114.

% Platarque, Solon, 34. Cicéroio. Pro Cmdn». 34.

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