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CHAP. I. CROYANCES SDR l'AME ET SUR LA MORT. 11

MTantô, parce que son corps a été mis en terre sans que les rites aient été observés. Suétone raconte que le corps de Cali- gula ayant été mis en terre sans que la cérémonie funèbre fût accomplie, il en résulta que son âme fut errante et qu'elle apparut aux vivants, jusqu'au jour où Ton se décida à déteiyer le corps et à lui donner une sépulture suivant les règles'. Ces deux exemples montrent clairement quej effet on attribuait aux rites et aux formules de la cérémonie funèbre. Puisque sans eux les âmes étaient errantes et se montraient aux vivants, c'est donc que par eux* elles étaient fixées et enfermées dans leurs tombeaux. Et de même qu'il y avait des formules qui avaient cette vertu, les anciens en possédaient d'autres qui avaient la vertu contraire, celle d'évoquer les âmes et de les faire sortir momentanément du sépulcre.

On peut voir dans les écrivains anciens combien l'homme était tourmenté par la crainte qu'après sa mort les rites ne fussent pas observés à son égard. C'était une source de poi- gnantes inquiétudes*. On craignait moins la mort que la priva- tion de sépulture. C'est qu'il y allait du repos et du bonheur - éternel. Nous ne devons pas être trop surpris de voir les Athé- niens faire périr des généraux qui, après une victoire sur mer, avaient négligé d'enterrer les morts. Ces généraux, élèves des philosophes, distinguaient peut-être l'âme du corps et comme ils ne croyaient pas que le sort de l'une fiït attaché au sort de l'autre, il leur avait semblé qu'il importait assez peu à un cadavre de se décomnoser dans la terre ou dans l'eau. Ils

��i. Saétone, Caligitla, S9 ; Satie constat, priusquam id fieret, hortorum custodes wnbrif inquxetatot.,.. nullam noctem sine aliquo terrore trans- actam.

2. Voyez, dans VlHade, XXII, 338-344, Hector demandant à son vainqueur de ne pas le prWer de la sépulture : « Je t'en supplie par tes genoux, par ta vie, par tes parents, ne livre pas mon corps aux chiens près des vaisseaux des Grecs; accepte l'or que mon père t'offrira en abondance et rends-lui mon corps, afln qii les Troyens et les Troyennes me donnent ma part des honneurs du bûcher. » — De même, dans Sophocle, Antigone affronte la mort « pour que son frère ne reste pas sans sépuliure » (Soph., Antigone, 467). — Le même sentiment est exprimé par Virgile, IX, 213; Horace, Odes, I, 18, v. 24-36; Ovide, Iléroide», X, 119-131; Tristes, III, S, 4&. — De même, dan* les imprécations, ce qu'on souhaitait de plus horrible k an eBaciui, c'était de moarir sans sépulture (Virgile, En., IV, 63«),

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