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14S LIVRE III. LA CITÉ.

qu'ils ne pouvaient jamais croire de deux Lares, de deux au- eètres ou de deux foyers.

Ajoutons que cette religion nouvelle avait aussi une autre morale. Elle ne se bornait pas à enseigner à l'homme les de- voirs de famille. Jupiter était le dieu de l'hospitalité ; c'est de sa part que venaient les étrangers, les suppliants, « les véné-» râbles indigents », ceux qu'il fallait traiter « comme des frères ». Tous ces dieux prenaient souvent la forme humaine et se mon- traient aux mortels. C'était bien quelquefois pour assister à leurs luttes et prendre part à leurs combats ; souvent aussi c'était pour leur prescrire la concorde et leur apprendre à s'aider les uns les autres.

A mesure que cette seconde religion alla se développant, la société dut grandir. Or il est assez manifeste que cette religion, faible d'abord, prit ensuite une extension très-grande. A l'ori- gine, elle s'était comme abritée dans les familles, sous la protection du foyer domestique. Là le dieu nouveau avait obtenu une petite place, une étroite cella, en regard et à côté de l'autel vénéré, afin qu'un peu du respect que les hommes avaient pour le foyer se portât vers le dieu. Peu à peu le dieu, prenant plus d'autorité sur l'âme, renonça à cette sorte de tu- telle; il quitta le foyer domestique ; il eut une demeure à lui et des sacrifices qui lui furent propres. Cette demeure (vab;, de vafw, habiter) fut d'ailleurs bâtie à l'image de l'ancien sanc- tuaire ; ce fut, comme auparavant, une cella vis-à-vis d'un foyer ; mais la cella s'élargit, s'embellit, devint un temple. Le foyer resta à l'entrée de la maison du dieu, mais il parut bien petit à côté d'elle. Lui qui avait été d'abord le principal, il ne fut plus que l'accessoire. Il cessa d'être le dieu et descendit au rang d'autel du dieu, d'instrument pour le sacrifice. Il fut chargé de brûler la chair de la victime et de porter l'offrande avec la prière de l'homme à la divinité majestueuse dont h statue résidait dans le temple.

Lorsqu'on voit ces temples s'élever et ouvrir leurs portes devant la foule des adorateurs, on peut être assuré que depuis longtemps rintelligence humaine et la société ont grandi.

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