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CHAP. X. LA OENS A ROME ET EN GRÈCE.

tour histoire. Nous voulons parler de ce que les Latins appe laient gens et les Grecs y^wî-

On a beaucoup discuté sur la nature et la constitution de la gens. Il ne sera peut-être pas inutile de dire d'abord ce qui (ait la difficulté du problème.

La gens, comme nous le verrons plus loin, formait un corps dont la constitution était tout aristocratique -, c'est grâce à son organisation intérieure que les patriciens de Rome et les Eupatrides d'Athènes perpétuèrent longtemps leurs privi- lèges. Lors donc que le parti populaire prit le dessus, il n«  manqua pas de combattre de toutes ses forces cette vieille in- stitution. S'il avait pu l'anéantir complètement, il est pro- bable qu'il ne nous serait pas resté d'elle le moindre souvenir. Mais elle était singulièrement vivace et enracinée dans les mœurs ; on ne put pas la faire disparaître tout à fait. On se contenta donc de la modifier : on lui enleva ce qui faisait son caractère essentiel et on ne laissa subsister que ses "formes extérieures, qui ne gênaient en rien le nouveau régime. Ainsi à Rome les plébéiens imaginèrent de former des gentes à l'imitation des patriciens; à Athènes on essaya de bouleverser les yIvtj, de les fondre entre eux et de les remplacer par les dèmes que l'on établit à leur ressemblance. Nous aurons à expliquer ces faits quand nous parlerons des révolutions. Qu'il nous suffise de faire remarquer ici que cette altération profonde que la démocratie a introduite dans le régime de la gens est de nature à dérouter ceux qui veulent en connaître la constitution primitive. En effet, presque tous les renseigne- ments qui nous sont parvenus sur elle datent de l'époque où elle avait été transformée. Ils ne nous montrent d'elle que ce que les révolutions en avaient laissé subsister.

Supposons que, dans vingt siècles, toute connaissance du moyen âge ait péri, qu'il ne reste plus aucun document sur ce qui précède la révolution de 1789, et que pourtant un historien de ce temps-là veuille se faire une idée des institutions anté- rieures. Les seuls documents qu'il aurait dans les mains lui montreraient la noblesse du dix-neuvième siècle, c'est-à-dire quelque chose de fort différent de It féodalité. Mais il songe-

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