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CHAP. IX. L ANTIQUE MORALE DE LA FAMILLE. 107

brisée ; la famrlle, même à l'insu des hommes vivants, est éteinte, et il n'y a plus de bonheur divin pour les ancêtres. Aussi l'Hindou dit-il : « Le fils de l'adultère anéantit dans cette vie et dans l'autre les offrandes adressées aux mânes* ».

Voilà pourquoi les lois de la Grèce et de Rome donnent au père le droit de repousser l'enfant qui vient de naître. Voilà aussi pourquoi elles sont si rigoureuses, si inexorables pour l'adultère. A Athènes il est permis au mari de tuer le coupable. A Rome le mari, juge de la femme, la condamne à mort. Cette religion était si sévère que l'homme n'avait pas même le droit de pardonner complètement et qu'il était au moins forcé de répudier sa femme*.

Voilà donc les premières lois de la morale domestique trou- vées et sanctionnées. Voilà, outre le sentiment naturel, une religion impérieuse qui dit à l'homme et à la femme qu'ils sont unis pour toujours et que de cette union découlent des devoirs rigoureux dont l'oubli entraînerait les conséquences les plus graves dans cette vie et dans l'autre. De là est venu le caractère sérieux et sacré de l'union conjugale chez les anciens et la pureté que la famille a conservée longtemps.

Cette morale domestique prescrit encore d'autres devoirs. Elle dit à4'épouse qu'elle doit obéir, au mari qu'il doit com- mander. Elle leur apprend à tous les deux à se respecter l'un l'autre. La femme a des droits, car elle a sa place au foyer ; c'est elle qui a la charge de veiller à ce qu'il ne s'éteigne pas. C'est elle surtout qui doit être attentive à ce qu'il reste pur; elle l'invoque, elle lui offre le sacrifice*. Elle a donc aussi son sacerdoce. Là où elle n'est pas, le culte domestique est ipcom- plet et insuffisant. C'est un grand malheur pour un Grec que

1. Lois de Manon, 111, 175.

2. Drmosthèae, in Neœr., 86. Il est vrai qne, si cette morale primitire condain> nait l'adultère, elle ne réprouvait pas l'inceste ; la religion l'autorisait. Les prohi< bitions relatives au maringe étaient au rebours des nôtres : il était louable d'é< pouser sa sœur (Cornélius Népos, proœmium; id., Vie de Cimon, c. 1 ; Minuciui Félix, Octavius, 30), mais il était défendu, en principe, d'épouser une femme d'uni autre ville.

3. Caton, deRe rMst., 143: Rem divinam faciat... Pocum purum habeat. Macrobe, I, i s, in fine : Nupta in domo viri rem facil divinam. Comparer Deays d'Haliearnaste, II, 33.

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