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souvenirs d’une actrice.

bonne volonté pour se faire illusion ; mais messieurs les comédiens français, dans leur hiérarchie superbe, s’embarrassent peu des autres.

« Dans la tragédie sainte de Samson, il y a aussi un arlequin. On joue rarement cet ouvrage parce qu’il entraîne de grandes dépenses. Samson est donc la providence des bénéfices d’artistes, et c’est la pièce qui est toujours en possession d’attirer la foule par la variété de toutes ses merveilles[1]. La défaite des Philistins par une mâchoire d’âne, la destruction du palais ébranlé par la force de Samson ; mais surtout le combat d’arlequin avec le dindon excitent toujours une grande joie[2].

  1. On n’était point accoutumé alors à ce luxe de spectacle, de costume, de changements à vue. Un palais, une chambre de Molière, une forêt, un hameau, quelquefois une prison, formaient tout le matériel des décorations. Dans la tragédie, un costume de satin blanc à bandes rouges pour les Romains, une cuirasse, un dessous de buffle et un casque pour les chevaliers, un habit espagnol, un ridicule costume turc, c’était là tout ce qui composait la garde-robe des acteurs de province et même de Paris. Lorsque je suis arrivée à Paris, en 1789, l’Amour, de Psyché, avait encore des bas et une culotte de taffetas couleur de chair, avec des boucles de jarretières en pierreries, et des souliers noirs brodés de paillettes. Dans le Jugement de Midas, opéra de Crétry, Apollon tombait des nues poudré à frimats.
  2. C’est sans doute ce combat d’arlequin avec le dindon qui a donné l’idée de celui des Petites-Danaïdes où Potier était si plaisant.