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souvenirs d’une actrice.

sicienne et me mettrait entre les mains de nos grands maîtres. Elle partit, et dès ce moment je ne rêvai que musique ; je solfiais toute la journée, ce qui auparavant m’avait beaucoup ennuyée, mais madame Saint-Huberty m’avait dit : « C’est nécessaire ! » Et cela avait suffi pour me donner de l’émulation. Je n’osai dire à mes grands parents combien je désirais voir arriver le temps où l’on m’enverrait à Paris, car c’eût été témoigner le désir de les quitter ; mais lorsqu’ils s’y décidèrent, quelques années plus tard, je me reproche encore la joie que j’en éprouvai ; ils étaient si bons que cela était une horrible ingratitude à moi ! C’était en 1788, j’avais quatorze ans, une famille bien placée dans le monde, mes parents étaient des artistes distingués qui vivaient dans l’aisance ; je pouvais donc me reposer sur ces avantages. Mais hélas ! le cœur est ainsi fait ! Dans la jeunesse l’attrait de la nouveauté est si puissant sur nous ! il nous fait oublier le passé et ne rêver que l’avenir. Je partais comme le pigeon voyageur, sans prévoir la destinée qui m’attendait.

Je n’étais jamais sortie de Metz, c’était le monde