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DE JEAN FROISSART.

elle dura dix années, et les étincelles s’en réveillèrent encore dans un âgé plus avancé, malgré sa teste chenue et ses cheveux blancs. Quand les poëtes chantent leurs amours, on ne les en croit pas toujours sur leur parole : comme Froissart ne parle du sien que dans ses poésies, on pourrait traiter ce qu’il en dit de pure fiction ; mais le portrait qu’il en fait est si naturel, que l’on ne peut se dispenser d’y reconnaître le caractère d’un jeune homme amoureux, et l’expression naïve d’une véritable passion. Il feint qu’à l’âge de douze ans, Mercure lui apparut suivi des trois déesses dont Pâris jugea autrefois le différend ; que ce Dieu rappelant à sa mémoire la protection qu’il lui avait accordée depuis l’âge de quatre ans, lui ordonna de revoir le procès des trois divinités ; qu’il confirma la sentence de Pâris, et que Vénus lui promit pour récompense une maîtresse plus belle que la belle Hélène, et d’un si haut rang que jusqu’à Constantinople il n’y avait comte, duc, roi, ni empereur qui ne s’estimât heureux de l’obtenir[1]. Il devait servir cette beauté[2]

  1. … Je te donne don si noble,
    Il n’a jusque Constantinoble
    Emperéour, roy, duc, ne comte,
    Tant en doite-on faire de conte,
    Qui ne s’en tenist à payés.

    Espinette amoureuse, p. 92.

  2. Et Venus adonc me regarde,