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POÉSIES

Qui à tout ce s’acorde liement
De vous servir, si enterinement
Que je porai en tous estas, ma dame,
Mès ce desir qui telement m’enflame,
Dont il convient que nuit et jour languisse.
Ordonnés que vos frans coers l’adoucisse,
Par quoi il soit un petit resjois ;
Car c’est bien voirs, se je ne suis oys
Des grans dolours dont bonne amours me carge
Plus que porter ne puis ai-je de carge,
Que conquerriés, dame, s’en vo servisce
Martire et mort en languissant persisse :
Et pour moi mettre en un peu d’aligance
Vous me donriés de biens tele habondance
Qu’à toujours mès il m’en seroit le mieus,
En quel estat que fuisse, et en quels lieus ?
Ne pensés jà que foiblement vous aimme,
Ne que sans fait l’omme martir me claimme ;
Certes nennil, ains en soustien cens tans ;
Dont dou monstrer ne puis venir à temps,
Et en euïsse assés bien le loisir.
Et vous povés tout clerement cuesir,
Quant j’ai l’éur que d’estre en vo present,
De quels parlers vous l’ai monstre et présent.
Ensi me tais que dont que pas n’i fuisse.
Et pensés vous que là parler je puisse ?
Nennil ; car vo beauté si fort me loie
Langage et coer, que se parler voloie
Se n’en est-il noient en ma puissance.
Com plus vous voi, et plus a d’acroissance