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Méliador

« Je seroie trop esbahie.
« Il vault trop mieulz, quoi que je die
17345 « Ne aie dit a le bonne heure,
« Qu’il s’en voist que droit ci demeure.
« Car je ne sui pas coustumiere
« De parler, ne point la maniere
« Ne sçai comment je parleroie,
17350 « Se devant moy je le veoie.
« J’en commence ja a fremir
« Et lui grandement a cremir.
« Laiiésle aler, Diex le conduise
« Et n’ait nulle riens qui li nuise.
17355 « Je vodroie sur toute rien
« Que Diex lui envoiast grant bien,
« Tout ensi qu’il en est merites. »
Respont Florée : « Et vous que dittes ?
« Cousine, vous vous fourvoiiés.
17360 « Pensés vous que assés n’aiiés
« De sens, d’avis et d’attemprance,
« De maniere et de cognissance
« Pour parler a .i. chevalier ?
« Vous le sarés mieulz recueillier,
17365 « Et par parole plus meüre,
« De ce sui je toute segure
« Qu’il ne vous osera parler.
« Laissiés Argente avant aler.
« Il est heure c’on le voist querre.
17370 « Chi n’affiert ne courous ne guerre,
« Fors que paroles gratïeuses
« Et ossi aucunes huiseuses.
« Il est bien si doulz et si frans,
« Si preus et si entreprendans,
17375 « Et si garnis de grant prudense, f. 128 b
« Que ja n’arés de li, g’i pense,
« Fors que parlers doulz et courtois,
« Et si serons droit chi nous trois