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Comme des flots de mer larges et triomphants,
Je lui parlai tout bas, comme on parle aux enfants.
Mes regards parcouraient sa beauté tout entière.
Or, je vis que ses pieds étaient gris de poussière
Et que son noble corps était tout abattu,
Et je lui dis : « Chimère aux grands yeux, d’où viens-tu ?
Car tu n’as plus de force et tu n’as plus d’haleine.
Viens-tu des mers, de la montagne ou de la plaine,
Des nuages d’argent ou des astres de feu ? »
Elle me répondit alors : « Je viens de Dieu !
Écoute-moi : Depuis le jour où je suis née,
Je marche ; je n’ai pas encore vu la journée
Du repos ; je n’ai pas encore vu le moment
De m’arrêter. Je marche infatigablement.
Les mers, les bois, les monts, ces affreux réceptacles
D’orages et de vents, ne sont pas des obstacles.
Mais j’ai vu des pays si beaux sur mon chemin
Que je ne suis pas lasse encore, et que demain
Je recommencerai ma route dès l’aurore ! »

Ô Chimère, veux-tu, par la route sonore,
Par les astres, jusqu’au Seigneur en qui j’ai foi,
Ô Chimère, veux-tu que je parte avec toi ?