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Qu’en bas d’eux et sur eux terre et ciel tout sommeille,
Appellent de longs cris la lumière vermeille.
Nous sommes deux à vivre en ce désert profond.
Par moments le vent souffle : alors les bruits que font
Les Hommes dans leur ombre et dans leur petitesse,
Les sanglots que l’orgueil arrache à leur tristesse,
Les blasphèmes que l’âge arrache à leur vertu,
Les échos de leurs pas sur le chemin battu,
Les râles de l’amour au fond des nuits amères,
Et l’injure des fils et la douleur des mères,
Et surtout, ô misère ! ô deuil ! les grands sanglots
Des vierges que Dieu laisse à genoux, les yeux clos,
Pleurer avec des cris leurs amours étouffées, —
Tout cela monte à nous, lentement, par bouffées.
Alors nous nous serrons l’un contre l’autre ; puis,
Sans que ce monde affreux et profond comme un puits
Arrache seulement un pleur à nos prunelles,
Nous, pleins de la clarté des choses éternelles,
Radieux, confiants, encore que brisés,
Reprenons notre route au milieu des baisers.

Un jour (car l’avenir est sûr quand l’âme est haute !)
Nous siégerons dans le beau ciel ayant pour hôte
Le Seigneur tout-puissant, le Maître des Élus ;
Et là, dans la clarté, calmes, n’entendant plus