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Je ne sais. Je suis las. Du soir jusqu’au matin
Je vois briller ses deux prunelles de phosphore.
Il arrive souvent même qu’après l’aurore
Son effrayant regard n’est pas encore éteint.

Parfois, pris d’un dégoût suprême, las de vivre,
Je fais de monstrueux efforts pour échapper
À cet être : jamais je ne puis le tromper,
Et jamais l’Ennemi ne cesse de me suivre.

Luxurieux et noir comme la nuit, profond
Comme la mort, brûlant comme la conscience,
Il me suit lentement et sans impatience ;
Et j’écoute au milieu des soirs le bruit que font

Ses pas lents et précis sur le pavé des salles
Où j’erre dans mon rêve et dans mon désespoir,
Lorsque déjà la nuit verse sur mon front noir
Son grand silence et ses ténèbres colossales.

Chaque jour envolé semble mettre un nouveau
Vêtement sur son corps monstrueux qui m’épie
Surtout chaque soir triste et chaque nuit impie
Semblent le faire plus furieux et plus beau.