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assigner, soit par le moyen des corps qui s’y trouvent, so^t par les lignes ou les surfaces qù’on y peut mener. Prétendre que l’espace in­fini est sans parties, c’est prétendre que les espaces finis ne le composent point, et que l’es­pace infini pourrait subsister, quand tous les espaces finis seraient réduits à rien. Voilà donc une étrange imagination que de dire que l’es­pace est une propriété de Dieu, c’est-à-dire qu’il entre dans l’essence de Dieu. L’espace a des parties, donc il y aurait des parties dans l’essence de Dieu : Speciatum admissi… ! De plus, les espaces sont tantôt vides, tantôt rem­plis : donc il y aura dans l’essence de Dieu des parties tantôt vides, tantôt remplies, et ; par conséquent, sujettes à un changement perpetuel. Les corps remplissant l’espace, rempliraient une partie de l’essence de Dieu, et y seraient commensurés ; et dans la supposition du vide, une partie de l’essence ressemblera fort au dieu stoï­cien, qui était l’univers tout entier, considéré comme un animal divin. Et encore, l’immensité de Dieu fait que Dieu est dans tous les espaces. Mais si Dieu est dans l’espace, comment peut-on dire que l’espace est en Dieu ou qu’il est sa pro­priété ? on a bien ouï dire que la propriété soit dans le sujet ; mais on n’a jamais ouï dire que le sujet soit dans sa propriété. Les mêmes choses peuvent être alléguées, et à plus forte raison, contre la durée, propriété de Dieu : car non-seu­lement la duree est multiple, mais elle est de plus successive et, par conséquent, incompatible avec l’immutabilité divine : tout ce qui existe du temps et de la duration, étant successif, périt continuellement ; du temps n’existent ja­mais que des instants, et l’instant n’est pas même une partie du temps.

En second lieu ; l’espace et la durée ne sont point des êtres reels, hors de Dieu ; car, si l’es­pace est une réalite absolue, bien loin d’être une propriété ou accidentalité opposée à la sub­stance, il sera plus subsistant que les substances. Dieu ne le saurait détruire, ni même changer en rien. Il est non-seulement immense dans le tout, mais encore immuable et éternel en chaque partie. Il y aura donc une infinité de choses éternelles, hors de Dieu. Et puis, cette doctrine fait de l’espace la place de Dieu ; en sorte que voilà une chose coéternelle à Dieu et indépen­dante de lui, et même de laquelle il dépendrait, s’il a besoin de place. Il aura de même besoin du temps, s’il est dans le temps. D’ailleurs, on dit que l’espace est une propriété ; il vient d’être prouvé qu’il ne pouvait être la propriété de Dieu ; de quelle substance sera-t-il donc l’at­tribut, quand il y aura un vide borné entre deux corps ? Vide, il sera un attribut sans sujet, une étendue d’aucun étendu.

L’espace n’est donc ni une propriété de Dieu, ni un être réel hors de Dieu ; il ne peut pas être davantage une propriété des corps, puisque le même espace étant successivement occupé par plusieurs corps différents, ce serait une affection qui passerait de sujet en sujet, en sorte que les sujets quitteraient leurs accidents comme un habit, afin que d’autres s’en puissent revêtir.

Clarke s’est débattu courageusement ; et sans jamais céder, contre cette argumentation pres­sante. Il soutient l’indivisibilité absolue de l’es­pace, par laquelle sa nature reste compatible avec l’unité de Dieu. Fini ou infini, l’espace est indivisible, même par la pensée : car on ne peut s’imaginer que ses parties se séparent l’une de l’autre, sans s’imaginer qu’elles sortent, pour ainsi aire, hors d’elles-mêmes. C’est d’ailleurs une contradiction dans les termes, que de sup­poser qu’il soit divisé ; car il faudrait qu’il y eut un espace entre les parties que l’on supposerait divisées, ce qui est supposer que l’espace est divisé et non divisé en même temps. L’espace n’a pas de parties, dans le vrai sens du mot : par­ties, c’est choses séparables, composées, désunies, indépendantes les unes des autres, et capables de mouvement ; les prétendues parties de l’es­pace, improprement ainsi dites, sont essentiel­lement immobiles et inséparables les unes des autres. On convient aisément que l’espace n’est pas une substance, un être éternel et infini, mais une propriété, ou une suite de l’existence d’un être infini et éternel. L’espace infini est l’im­mensité ; mais l’immensité n’est pas Dieu, donc l’espace infini n’est pas Dieu. « L’espace destitué de corps est une propriété d’une substance im­matérielle. L’espace n’est pas renfermé entre les corps ; mais les corps, étant dans l’espace im­mense, sont eux-mêmes bornés par leurs propres dimensions. Vide, il n’est pas un attribut sans sujet ; car alors, on ne dit pas qu’il n’y ait rien dans l’espace, mais qu’il n’y a pas de corps. 11 reste l’attribut de l’être nécessaire, nécessaire lui-même, comme son sujet. L’espace est im­mense, immuable et éternel ; et l’on doit en dire autant de la durée ; mais il ne s’ensuit pas de là qu’il y ait rien d’éternel hors de Dieu. Car l’es­pace et la durée ne sont pas hors de Dieu ; ce sont des suites immédiates et nécessaires de son existence. Dieu n’existe donc point dans l’es­pace, ni dans le temps : mais son existence est la cause de l’espace et du temps. Enfin, l’espace n’est pas une affection d’un ou de plusieurs corps, ou d’aucun être borné, et il ne passe point d’un sujet à un autre ; mais il est toujours, et sans variation, l’immensité d’un être immense, qui ne cesse jamais d’être le même.

On voit que Clarke reproduit sa théorie sous diverses formes, plutôt qu’il ne lève les difficul­tés.

Ila été plus heureux dans son plaidoyer pour l’immortalité de l’âme et pour la liberté humaine : là, il se rencontre souvent avec Leibniz dans la réfutation de l’objection qui se tire de la pre­science divine, et il réfute beaucoup mieux que ce dernier la prétendue influence des motifs, montrant clairement, non-seulement la vérité du libre arbitre, mais encore sa nécessité, et ce que l’être humain y gagne en dignité. Sa morale est une apologie du désintéressement posé comme un fait et prescrit comme un devoir ; Clarke en pousse avec raison la défense jusqu’à dire que la loi morale serait également sacrée, également inviolable, alors même qu’il n’y aurait, pour les mauvaises et les bonnes actions, ni peines ni ré­compenses, ou présentes ou futures. C’est un honneur à lui d’avoir, comme Platon dans YEuUjphron, et aussi comme Cudworth, marqué la justice de ce caractère d’immutabilité absolue, par lequel elle est indépendante même du décret de Dieu, auquel elle estcopréexistante. puisqu’elle le règle, étant la nature même et l’essence de Dieu, non pas une décision purement arbitraire de sa volonté, et de lui à nous ; une loi qu’il nous propose de suivre comme il la suit lui-même, non pas un ordre sans raison émané de sa toute-puissance. Mais, après cela, Clarke se fourvoie quand à cette simple exposition des caractères de la justice, et à cette belle défense de la sainteté du devoir, il veut joindre une définition du bien : tentative déjà faite, souvent renouvelée depuis, et, si nous ne nous trompons, toujours impuis­sante. Selon Clarke, la notion du bien moral se résout dans l’idée des rapports réels et immuables qui existent entre les choses, en vertu de leur nature : conforme à ces rapports, la conduite humaine est bonne ; mauvaise, si elle y est con-