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GUIDE DU BON SENS

moins encore à celui qui l’avait provoquée, contre qui elle avait dressé sa fureur.

POLYDOXE. — Montez-vous à cheval, cher Eudoxe ?

EUDOXE. — Comme tout le monde, cher Polydoxe.

POLYDOXE. — Alors, comme tout le monde, vous êtes quelquefois tombé de cheval, un cheval qu’aura irrité la piqûre d’un taon ou la rencontre du rouleau à vapeur qui lui semble une provocation, un cheval qui s’emballe tout à coup et qui, bref, vous désarçonne. Et cependant que, tout penaud, vous vous retrouvez assis sur la poussière de la route, tâtant vos membres non sans quelque inquiétude, pour voir si vous n’avez rien de cassé, le cheval, après avoir poursuivi ses bonds désordonnés sur une dizaine de mètres à peine, s’arrête brusquement à son tour, et tendant sa longue tête en arrière par-dessus l’épaule, vous regarde de loin et ne semble pas moins penaud que vous.

EUDOXE. — Je vous entends, cher Polydoxe, et c’est du même air, en effet, que l’homme en colère, après un éclat, regarde le précieux vase de Sèvres qu’il lança violemment à travers la chambre et dont les morceaux jonchent le sol. Mais le cheval a l’excuse d’être un animal qui ne réfléchit pas, qui ne raisonne pas, qui n’a pas de bon sens : car si l’on a pu discuter sur