EUDOXE. — L’homme orgueilleux ne se croit pas orgueilleux ; l’homme envieux ou avare ne se rend pas compte de son envie ou de son avarice, et le gourmand lui-même ne sait pas toujours qu’il est gourmand. Chacun sait quand il est en colère, chacun s’en rend compte…
POLYDOXE. — Oui, cher Eudoxe, l’homme en colère s’aperçoit de sa colère, mais il ne s’en aperçoit qu’après, et, pourrait-on dire, lorsque le mal est déjà fait. Ce qu’il faudrait, c’est une sorte de vaccin, comme un traitement préventif de la colère…
EUDOXE. — Ce traitement existe, cher Polydoxe, et il suffirait, au moment où votre crise de colère menace d’éclater, il suffirait de quelques grains de bon sens administrés par précaution.
POLYDOXE. — Hélas ! le bon sens n’est pas contenu dans une petite boîte, à portée de la main, en pilules…
EUDOXE. — Le bon sens est dans votre tête, et, s’il vous plaît, toujours à votre disposition. Mais le propre de la colère, ce qu’elle a de dangereux et de détestable, c’est de vous faire