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GUIDE DU BON SENS

aux plus bas instincts ; ils ont une voracité hypocrite, une espèce de goinfrerie honteuse, qui, sous couleur de gourmandise, sont tout de même honteuse goinfrerie, ignoble voracité.

POLYDOXE. — Encore faut-il pour se livrer à ce que vous leur reprochez si durement comme un vice, cher Eudoxe, encore faut-il d’abord que ces criminels aient un bon estomac. N’est gourmand que qui digère avec facilité. La gourmandise suppose avant toute disposition de l’esprit, un heureux état de santé. Doit-on être puni de n’être pas dyspeptique ?

EUDOXE. — Pardonne-t-on à l’envieux si l’envie, qui le rend si déplaisant, lui est venue d’un mouvement de bile ? Nous n’avons pas à tenir compte au gourmand de ce qu’il est bien portant, pas plus et moins encore qu’à l’envieux ou au coléreux de ce qu’ils sont peut-être malades.

POLYDOXE. — On considère cependant, et cela est juste, que la responsabilité de ceux-ci, dans certains cas et dans une certaine mesure, s’en trouve atténuée. Le gourmand, il est vrai, n’a d’autre responsabilité que vis-à-vis de son estomac à lui, de son tube digestif à lui ; ce ne sont pas ses voisins de table qui, s’il mange d’une façon déraisonnable, risquent d’attraper une dyspepsie ou une gastralgie.

EUDOXE. — Nous sommes responsables vis-à-vis de Celui qui nous a créés et mis au monde