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GUIDE DU BON SENS

sage aimable et bonhomme, qu’on est prêt à les accueillir sans méfiance, et qu’on leur donnerait, comme on dit, le Bon Dieu sans confession.

POLYDOXE. — La gourmandise n’en demanderait pas tant, cher Eudoxe ; aussi pourquoi cet empressement à l’envoyer au diable, et ses adeptes, autour d’une table trop abondamment servie, font-ils vraiment figure de suppôts de Satan ?

EUDOXE. — Ils font figure d’hommes indignes de la qualité d’hommes, et l’on ne dénonce leur gourmandise que pour punir leur indignité.

POLYDOXE. — La gourmandise paraît bien cependant une spécialité de la race humaine, si, pour ne vous point fâcher, nous renonçons à nommer cette spécialité un privilège : les bêtes ne sont pas gourmandes.

EUDOXE. — C’est jouer sur les mots ; on dit « gourmand », on dit : « gourmet », — et l’on croit avoir du même coup innocenté la voracité et la goinfrerie. Nierez-vous qu’il y ait des bêtes voraces, des animaux qui sont des goinfres ? Vos prétendus gourmets et gourmands ne font qu’adapter leur nature d’hommes qui se croient supérieurs à cette ruée vers la nourriture que l’on constate chez les animaux et qui les ravale au rang des animaux ; leur élégance et leurs goûts raffinés sont ici pareils