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GUIDE DU BON SENS

pos. Et c’est ici que nous constaterons la valeur sociale du bon sens, son aspect objectif, expliqueraient les philosophes, c’est-à-dire que l’usage du bon sens s’exerce en public et que ce n’est pas nous mais les autres qui, en dernier ressort, ont à connaître de notre bon sens, qui l’apprécient et qui le jugent.

Qui saura si un homme dans une île déserte a du bon sens, puisqu’il n’y aura personne pour en bénéficier s’il en a, ou, s’il n’en a pas, pour en souffrir ?

Et comme j’ai dit que tout homme, à l’origine, et loin des conjonctures contraires, emporte avec soi sa cargaison de bon sens, tu peux préjuger que, dans son île déserte, cet homme n’aura que des pensées raisonnables, n’aura ni l’occasion, ni l’envie, de se montrer insensé ; ce qui est insensé, sans doute, ce qui est déraisonnable, c’est de s’en aller comme lui dans une île déserte…

La valeur sociale du bon sens, la nature t’en apporte mille témoignages : c’est, entre mille autres, le cas, présenté par le fabuliste, du gland et de la citrouille.

Oui, le bon sens, en tant qu’il est le gardien de l’équilibre, de la mesure, des justes proportions, le bon sens voudrait que, du gland et de la citrouille, ce fût le plus gros fruit et le plus lourd qui fût suspendu à l’arbre le plus robuste, le bon sens voudrait voir, aux branches