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GUIDE DU BON SENS

quel moment, ils ont reçu des apports mystérieux qui modifient le bagage de chacun, ce bagage pour la route qui les empêchera désormais de faire route ensemble.

Où donc est-il, ce carrefour, où deux frères ainsi, comme fatalement, se séparent, et devant quel poteau indicateur ?

Mais ne dépend-il pas de nous que les frères ne se soient séparés que pour retrouver d’autres frères, que le poteau indicateur soit marqué de flèches qui leur indiquent, en effet, dans quelque voie, à droite, à gauche, ici ou là, qu’ils s’engagent : « Fraternité ! Fraternité ! »

Que ce sens de la fraternité soit prêt à conduire tous les hommes, qu’il y ait au fond de tous les hommes un grand appétit fraternel, une grande soif de fraternité, on en verra une humble preuve, mais convaincante, dans ces fins de banquets où, sous l’influence des vins et des mets excellents et surabondants, les convives, à quelque classe de la société qu’ils appartiennent, et quel que soit leur rang ou leur emploi dans l’État, s’attendrissent, se montrent vraiment eux-mêmes, de simples hommes, de pauvres hommes, ne souhaiteraient rien tant que de se confier les uns aux autres, et seraient tout disposés à se traiter en frères, précisément, et même de vieux frères : quand leur soif et leur faim sont apai-