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LA PHILOSOPHIE DE BALLANCHE

d’émettre une opinion purement spéculative sur le mode de gouvernement que Ballanche jugeait le meilleur, nous dirons qu’il n’y a point de raison pour que la royauté soit le seul gouvernement légitime. Le pouvoir souverain ne nous semble pas devoir être assimilé aux choses matérielles, dont l’héritage se transmet de père en fils. Ballanche a pressenti cette objection, puisqu’il a distingué entre l’hérédité et la légitimité. Le philosophe, bien qu’il se voie dans la nécessité de restreindre les cas où l’insurrection est permise, ne peut accepter, sans distinction aucune, cette pensée de Ballanche qu’il y a usurpation toutes les fois qu’un prince est précipité du trône.

On aurait grand tort de croire toutefois que Ballanche, comme Joseph de Maistre et de Bonald, désirait voir revenir l’ancien régime. Personne ne sentait mieux que lui combien le précédent ordre de choses avait été défectueux. Et, s’il eût désiré, sans doute, que l’humanité eût fait son évolution avec plus de lenteur et moins de violence, il n’était pas véritablement ennemi de la Révolution. La lecture de l’Homme sans nom tendrait à nous persuader que, à l’exemple de Joseph de Maistre, Ballanche vit quelque temps un châtiment divin dans cette révolution si terrible et une victime expiatoire dans l’infortuné Louis XVI. Mais l’Essai sur les Institutions sociales démontre qu’il savait reconnaître le bien qui était résulté de tant de désordres. A ses yeux, la nouvelle ère, si impatiemment attendue par l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, était commencée. Dans ces conditions, Ballanche ne pouvait être royaliste à la manière dont J. de Maistre l’a toujours été.

Ce qu’il voulait, c’était un royalisme plus libéral, à la fois plus favorable aux progrès de la civilisation et au bien-être de la société. A la vérité, d’importantes modifications s’imposaient dans la manière dont il faudrait gouverner à l’avenir, mais il crut voir son idéal réalisé