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Le Serin et le Moineau.

Fable.

On se fait des grandeurs une très-fausse idée ;
Les estime le plus qui les connoît le moins ;
Telle ame, de leur soif se trouvant possédée,
Perd, pour les acquérir, et son temps et ses soins.
Dans tous les états de la vie
On trouve du haut et du bas ;
Un tel, dont le bonheur inspire de l’envie,
Se plaint de ce qu’il ne l’a pas.
Écoutez sur ceci le conseil charitable
Qu’osent vous indiquer les oiseaux de ma fable.
Un jour, dans un grand bourg, certain moineau banal,
Des plus galants moineaux redoutable rival,
Le plus estimé chez les belles,
Galant, joli, coquet un brin,
Volait de ses rapides ailes
À l’entour d’un château flanqué de deux tourelles,
Palais du seigneur suzerain.
Il aperçoit au fond d’une gentille cage.
Juché dessus son bois, un merveilleux Serin,
Qui le ravit par son ramage.
« Hélas ! se disoit-il, du peuple des oiseaux,
« Au beau Serin échut le meilleur appanage :
« À l’abri des saisons, à l’abri de l’outrage,
« Logé comme un seigneur, il ignore mes maux ;
« Tandis que, mouillé par l’orage,
« Je grelotte sur des roseaux,
« Il vit en très-grand personnage,
« Il se mire dans des trumeaux,
« Son bon maître l’aime à la rage,