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Ils laissèrent gronder la foudre sur leurs fronts,
Et malgré les frayeurs, et malgré les affronts,
Sublimes égarés, dans leur sainte ignorance,
Ne voulurent servir d’autre Dieu que la France !

La vieillesse arriva ; la mort vint à son tour.
Et, sans prêtre, sans croix, dans un champ, au détour
D’une route fangeuse où la brute se vautre,
Chaque rebelle alla dormir l’un après l’autre.

Il n’en resta plus qu’un, un vieillard tout cassé,
Une ombre ! Plus d’un quart de siècle avait passé
Depuis que sur son front pesait l’âpre anathème.
Penché sur son bâton branlant, la lèvre blême,
Sur la route déserte on le voyait souvent,
A la brune, rôder dans la pluie et le vent,
Comme un spectre. Parfois détournant les paupières
Pour ne pas voir l’enfant qui lui jetait des pierres,
Il s’enfonçait tout seul dans les ombres du soir.