Page:Fougeret de Monbron - Le Canapé couleur de feu.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chacun défendait son avis avec toute la subtilité et l’éloquence que requérait une matière aussi épineuse ; mais comme le potage refroidissait, la question resta indécise, et l’on fut se mettre à table.

Il fallait voir de quel cœur les bons religieux officiaient. Alors on avait beau les exciter à parler, leurs réponses n’étaient jamais que oui et non, ou simplement un signe de tête.

Cependant, vers la fin du repas, la Fillon sortit, sous prétexte de quelques affaires. Les frapparts, qui n’avaient encore rien dit aux demoiselles, tant à cause du plaisir de manger, dont ils s’étaient constamment occupés jusqu’au dessert, que par la crainte de déplaire à la dame du logis, s’égayèrent peu à peu, et quelques verres de champagne achevant de les coiffer, les mousquetaires en enfermèrent un dans mon cabinet avec l’une des princesses. Le révérend père prédicateur, qui avait conservé le plus de sang-froid, quoiqu’il eût sablé plus que personne, courut à la porte exhorter son camarade à la continence. — Père Pia, s’écriait-il, craignez l’ange séducteur et les pièges qu’il vous tend. — Paroles en l’air, père Pia était déjà sur moi, s’agitant et se démenant comme un possédé. Enfin cha-