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son appartement. J’y avais déjà passé les deux plus cruelles heures de ma vie, en déplorant plus la perte de l’objet de mon ardeur que celle de ma liberté, lorsque Crapaudine entra, dans une espèce de déshabillé, à dessein sans doute de me séduire.

— Eh bien, monsieur le tireur de merles, dit-elle en m’abordant et fermant scrupuleusement les verrous, vous venez donc débaucher nos filles ? Savez-vous qu’aucun mortel jusqu’en ce jour n’eut l’audace de s’introduire dans ce palais impunément, et que je devrais punir votre témérité ? — Ma foi, répondis-je, madame, c’est votre faute ; que ne me laissiez-vous prendre mes merles en repos ? — Eh ! qui vous en a empêché ? reprit-elle, en se donnant des grâces. — Vraiment, répliquai-je, nous savons le dessein que vous aviez sur notre personne, et ce n’a été que pour l’éluder que je me suis laissé enlever. — Ah ! petit traître, s’écria-t-elle, imitant le fausset, voilà donc de vos tours ! Quoi ! vous savez que je vous aime, et, au mépris de ma tendresse, de mon rang et de mes charmes… — À l’égard de vos charmes, interrompis-je, je n’en avais qu’une légère idée au portrait que Printanière m’en a fait ; mais à présent que je