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— Vous êtes étonné, sans doute, de voir une fille de ma sorte dans ces lieux sauvages et déserts ? — Ma foi, madame, dis-je en me levant, on le serait à moins. Ce n’est guère l’usage de trouver des personnes de votre figure et parées comme vous l’êtes dans les forêts ; je ne sais si ceci est un rêve. — Non, reprit-elle, vous ne fûtes jamais plus éveillé ; fiez-vous-en à moi, je m’y connais. — À la bonne heure, repartis-je ; mais ne pourrais-je savoir à qui j’ai l’honneur de parler maintenant ? — À la fée Printanière, répondit-elle, première dame de compagnie de la fée Crapaudine, qui règne depuis six cents ans dans les Ardennes. — Voilà, dis-je, pour une souveraine, un vilain nom. — Oh ! si vous la voyiez, repartit Printanière, vous trouveriez que son nom cadre assez bien avec sa figure. Mais puissiez-vous ne la voir jamais ! — Que je meure, répondis-je, s’il m’en prend envie sur l’idée que vous m’en donnez ! — Ah ! poursuivit-elle en soupirant et laissant échapper quelques larmes, vous ne la verrez peut-être que trop tôt pour votre malheur et le mien ; car il est inutile de vous cacher que je vous aime, et le sort qui vous menace ne me permet pas de vous laisser ignorer plus longtemps mon ardeur.