Page:Foucart - Éléments de droit public et administratif, 1855.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’avait subies l’ordre social. À l’esclavage antique avait succédé d’abord le colonage, puis le servage féodal ; celui-là même avait presque disparu en 1789, et les serfs affranchis, réunis aux bourgeois des communes, constituaient le tiers état, c’est-à-dire la masse de la nation. Au-dessus du tiers état se trouvait placée la noblesse, image décolorée de l’antique et puissante féodalité dont elle avait conservé une foule de droits et de privilèges. Le clergé, qui avait été longtemps à la tête de la civilisation en France, et qui avait acquis par là une légitime prépondérance, formait encore le premier ordre de l’État ; mais il n’avait plus de son ancienne puissance qu’un grand nombre de privilèges et d’immenses richesses qui furent une des causes de sa ruine en tant que corps politique. La liberté n’était pas plus respectée que l’égalité ; elle était entravée dans son exercice par une législation qui laissait une large place à l’arbitraire, et les lettres de cachet pouvaient encore atteindre et faire emprisonner sans jugement les personnages les plus éminents de l’État.

35. C’est une loi constante que, dans les États où règne l’inégalité, à une classe politique de personnes corresponde une classe de terres : au clergé, à la noblesse, au tiers état correspondaient trois classes d’immeubles ; les deux premières étaient affranchies de la plupart des charges publiques que supportait la troisième. La législation était conçue dans le but de conserver et d’augmenter la richesse territoriale des deux classes privilégiées ; elle établissait l’inaliénabilité des biens de mainmorte, l’inégalité dans les partages, les substitutions, etc.

À la fin du XVIIIe siècle, toute la partie intelligente de la France sentait vivement les inconvénients de l’ordre de choses qui existait alors, et de toutes parts