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gement abusé, il ne faut les employer qu’avec des explications qui en fassent connaître le véritable sens. Ainsi il n’est pas vrai de dire que chaque individu soit souverain, parce que chaque individu est soumis d’abord à la loi qui l’oblige à vivre en société, et par suite aux lois que cette société s’est données à elle-même ou qu’elle a acceptées. Il ne peut donc ni prétendre modifier la société à sa guise, ni s’insurger contre ses lois. L’individu, sous ce rapport, est sujet et non souverain. Il ne faut pas dire non plus que la majorité a le droit de décider ce qu’elle veut et de le rendre juste en l’approuvant, parce que le souverain, quel qu’il soit, est subordonné aux lois divines, et ne peut rendre juste ce qui ne l’est pas ; ni à plus forte raison que le mot peuple exprime une partie de la nation qui a le droit de commander à l’autre, parce que ce mot chez nous, comme le mot populus chez les Romains, comprend tout le monde, et que, sous ce rapport, il est synonyme du mot nation. Ainsi les mots souveraineté nationale ou souveraineté du peuple expriment seulement cette idée, que le droit public et le droit privé doivent être une émanation des besoins, des vœux et de la volonté d’une nation ou d’un peuple dans la limite du juste. Nous allons voir maintenant comment se manifestent ces besoins, ces vœux, cette volonté.

16. L’organisation et les modifications du droit public ont souvent lieu d’elles-mêmes, par suite de la loi naturelle de la formation et du développement des sociétés, parce que l’homme sent avant que de raisonner. Le droit se produit alors sous la forme de coutume avec l’assentiment général. D’autres fois la personne ou le corps en qui réside le pouvoir proclame les lois nouvelles qui sont considérées comme étant l’expression des besoins et des vœux de la nation. Ce