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il en a encore avec ses semblables ; l’étude de ces rapports nous révèle la loi fondamentale de toute société. L’homme, après sa naissance, reste plus longtemps que tous les animaux hors d’état de pourvoir à sa subsistance, il a longtemps besoin des soins de ses parents ; son âme s’ouvre à des sentiments d’affection. qui survivent aux soins qu’il en reçoit ; parvenu à la plénitude de son développement, il est assailli de besoins moraux et physiques qu’il ne peut satisfaire qu’au milieu de ses semblables ; il faut qu’il communique ses idées, qu’il épanche ses sentiments ; il faut qu’il devienne à son tour chef d’une famille nouvelle qui, multipliant ses besoins et ses affections, multipliera les liens qui l’attachent aux autres hommes ; ce n’est que dans la société que ses facultés intellectuelles peuvent recevoir ce développement dont on ne connaît pas les limites. Enfin ce n’est qu’avec le concours des autres hommes qu’il peut se procurer, d’une manière constante, les choses les plus nécessaires à la vie : la nourriture, le vêtement, un abri, des soins dans ses maladies, une protection contre la violence et l’injustice. La plus simple observation démontre donc d’une manière incontestable que l’homme est créé pour vivre en société, et l’expérience du genre humain prouve qu’il a été fidèle à cette loi, puisque nulle part il n’a été trouvé dans l’état d’isolement qui est la manière d’être de la plupart des animaux.

La philosophie matérialiste, représentée par Hobbes, a imaginé dans le XVIIe un système de sociabilité conventionnelle développé par J.-J. Rousseau dans son Contrat social, et adopté par la plupart des philosophes du XVIIIe siècle. D’après ce système, l’état naturel de l’homme est la vie sauvage : chaque individu, dans l’origine, avait sur tous les autres un droit égal, absolu,