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la loi morale est l’utile. À l’appui de cette proposition, on s’efforce de prouver que l’utilité bien entendue est une règle de conduite qui suffit aux individus, à la famille et à la société.

Au point de vue de la destinée dernière de l’homme, l’utile et le juste[1] se confondent, parce qu’il n’y a de vraiment utile que l’observation des règles qui doivent conduire à la possession du souverain bien. Mais, au point de vue de la destinée terrestre, l’observation de la loi divine, c’est-à-dire le juste, est bien souvent différent de l’utile. Nous ne pouvons, en effet, apprécier l’utile qu’avec nos vues bornées, et sous l’influence de nos passions et quelquefois même des besoins les plus légitimes en eux-mêmes. Confondre ici-bas le juste et l’utile, c’est substituer la volonté incertaine, ignorante, passionnée de l’homme, à la loi divine. Le principe de l’utile conduit dans la morale à la satisfaction de toutes les passions cupides, dans le droit public à la justification de toutes les tyrannies.

Pour éviter cette dangereuse confusion, sachons nous élever jusqu’aux véritables bases de toute morale. N’oublions pas que l’homme n’a été tiré du néant que pour aimer et servir son Créateur, et mériter ainsi la récompense qui lui est réservée dans une autre vie ; qu’aimer et servir Dieu c’est obéir à sa loi, et que notre obéissance doit aller jusqu’au sacrifice des biens de ce monde, puisque ce n’est pas dans ce monde que nous devons trouver notre destinée dernière.

7. L’homme n’a pas seulement de rapports avec Dieu,

  1. Nous croyons devoir faire observer que nous entendons ici le mot juste dans son sens le plus général, comme indiquant ce qui est conforme au droit absolu, et non dans le sens restreint que lui donne l’école matérialiste, qui ne voit dans le juste que la conformité d’une action avec le droit positif, ce que nous exprimons par légalité.