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par les tribunaux sans aucune réclamation. Ce fut seulement dans les premières années de la Restauration que, les principes constitutionnels étant mieux connus, on soutint devant les tribunaux leur illégalité. Il fut répondu que l’art. 28 de la Constitution de l’an VIII donnait au Tribunat le droit de déférer au Sénat, pour cause d’inconstitutionnalité, les actes du gouvernement, et que le Sénat, aux termes de l’art. 22, avait le droit de les annuler ; que même après la suppression du Tribunat, qui fut opérée par le S.-C. du 19 août 1807, les simples citoyens avaient pu déférer les actes inconstitutionnels au Sénat par des pétitions ; que le Sénat lui-même avait pu les annuler d’office, et qu’aucune annulation n’ayant été prononcée, les décrets avaient acquis force de loi. Outre cette argumentation, contestable sur plusieurs points, il existait en faveur des décrets un puissant moyen puisé dans l’art. 68 de la Charte de 1814, qui maintenait toutes les lois existantes et non contraires à la Charte. En fait, les décrets inconstitutionnels existaient comme lois, étaient appliqués comme tels par les tribunaux ; ils ont donc reçu de cet article 68 la ratification dont ils avaient besoin. Mais il faut, pour que cette jurisprudence soit applicable : 1o que les décrets aient été promulgués régulièrement avant la Charte de 1814, d’où il résulte qu’on ne pourrait en promulguer un pour la première fois maintenant (C. C. crim., 12 juill. 1844. Ruelle) ; 2o qu’ils soient compatibles avec la Charte de 1814. C’est ainsi que la chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé, le 21 mai 1847 (Marin), qu’un décret du 1er mai 1812 avait été abrogé implicitement par la Charte à raison du tribunal extraordinaire qu’il créait, de la procédure exceptionnelle qu’il établissait, des peines exceptionnelles qu’il prononçait.