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tribunaux, agissant dans la sphère de leur juridiction réciproque, se placent à des points de vue différents et prononcent des décisions qui n’ont rien d’inconciliable. Le Sénat statue directement et d’une manière générale sur la constitutionalité ; le décret qu’il frappe est anéanti et ne peut plus être invoqué par personne ; celui qu’il déclare valable ne peut plus être accusé d’inconstitutionnalité. Un tribunal ne décide pas manière générale qu’un décret est nul ; mais lorsqu’on invoque devant lui et qu’on lui demande d’appliquer un décret, il a le droit d’examiner s’il a force obligatoire, et de refuser de l’appliquer dans le cas de la négative ; sa décision n’a d’effet qu’entre les parties en cause ; elle n’oblige pas les autres tribunaux, elle ne l’oblige pas lui-même pour l’avenir, et il peut revenir sur sa décision. Cette doctrine est la sauvegarde des droits individuels, qui pourraient être compromis par une exagération du pouvoir exécutif dont l’histoire nous montre des exemples. Elle est d’ailleurs sans danger pour le pouvoir, qui peut, aux termes de l’art. 26 de la Constitution, poser la question de constitutionalité au Sénat ; si cette question est résolue affirmativement, il est évident qu’elle ne peut plus être soulevée devant les tribunaux.

L’attribution donnée au Sénat par la Constitution de 1852 ne doit pas modifier la solution donnée à cette question, car avant 1852 il existait aussi des moyens de faire annuler une ordonnance inconstitutionnelle : on pouvait s’adresser au Roi. Or on aurait pu dire alors comme aujourd’hui que les parties devaient employer cette voie, et que les tribunaux devaient seulement surseoir jusqu’à la décision à intervenir. Cependant la doctrine contraire avait prévalu non-seulement dans la jurisprudence, mais encore