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appelés à les interpréter, ils pourraient en méconnaître l’esprit et en fausser l’exécution. En cas de doute, ils doivent demander l’interprétation à l’autorité dont l’acte est émané. Ainsi un tarif de droit de péage établi par un décret en vertu des lois des 14 floréal an X, 24 juillet 1843, art. 7, sera appliqué et interprété par les tribunaux. Un décret qui autorise l’établissement d’une usine sur un cours d’eau ne pourra être qu’appliqué et non interprété par les tribunaux. Nous reviendrons sur cette distinction importante, contestée par quelques publicistes et confirmée par la Cour de cassation (Ch. civ., 19 janv. 1853. Riquet).

Les tribunaux peuvent-ils apprécier la constitutionalité ou la légalité d’un décret et se refuser à l’appliquer ? Sous l’empire des Chartes de 1814 et de 1830 et de la Constitution du 4 novembre 1848, l’affirmative n’était pas douteuse. (C. C. crim., 14 juin 1844. Marcellin.) Aujourd’hui l’on peut dire que le Sénat ayant reçu de l’article 29 de la Constitution le droit de statuer sur la constitutionalité des décrets, ils sont présumés constitutionnels et doivent être appliqués comme tels par les tribunaux, tant qu’ils ne sont pas annulés par le Sénat ; que, dans le cas où ils sont attaqués par les parties dans le cours d’un procès, les tribunaux doivent seulement surseoir à statuer jusqu’après la décision du Sénat ; que, s’il en était autrement, il pourrait y avoir contradiction entre la jurisprudence des tribunaux et l’autorité du Sénat. On peut invoquer à l’appui de cette opinion la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a déclaré obligatoires les décrets inconstitutionnels rendus par Napoléon Ier.

Nous n’adoptons pas cette opinion, et nous croyons que la Constitution de 1852 a créé une garantie nouvelle sans vouloir diminuer les anciennes. Le Sénat et les