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92. Le système de l’irresponsabilité du chef de l’État et de la responsabilité des ministres qui contre-signent ses actes, emprunté à la Constitution anglaise, adopté par la Constitution du 3 sept. 1791, par la Charte de 1814 et par celle de 1830, a été remplacé par un système tout opposé. Aujourd’hui l’Empereur est responsable, mais seulement devant le peuple français, auquel il a toujours le droit de faire appel ; ses ministres ne dépendent que de lui ; ils ne sont responsables que chacun en ce qui le concerne des actes du gouvernement. Il n’y a point de solidarité entre eux ; ils ne peuvent être mis en accusation que par le Sénat. (Const., art. 5 et 13.)

Le préambule de la Constitution explique ainsi cette théorie : « Dans notre pays, monarchique depuis huit cents ans, le pouvoir central a toujours été en s’augmentant. La royauté a détruit les grands vassaux ; les révolutions elles mêmes ont fait disparaître les obstacles qui s’opposaient à l’exercice rapide et uniforme de l’autorité. Dans ce pays de centralisation, l’opinion publique a sans cesse rapporté tout au chef du gouvernement, le bien comme le mal. Aussi, écrire en tête d’une Charte que ce chef est irresponsable, c’est mentir au sentiment public, c’est vouloir établir une fiction qui s’est trois fois évanouie au bruit des révolutions.

La Constitution actuelle proclame au contraire que le chef que vous avez élu est responsable devant vous ; qu’il a toujours le droit de faire appel à votre jugement souverain, afin que, dans les circonstances solennelles, vous puissiez lui continuer ou lui retirer votre confiance. Etant responsable, il faut que son action soit libre et sans entraves. De là l’obligation d’avoir des ministres qui soient les auxiliaires honorés et puissants de sa pensée, mais qui ne forment