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Après le déluge, après un temps d’arrêt sur le mont Ararath, lorsque les eaux se furent retirées, Noé tenta plusieurs essais vinicoles qui ne le satisfirent que médiocrement. Alors accompagné de ses fils, Sem, Cham et Japhet, il parcourut et traversa l’Asie, l’Europe, vint en ce qu’on nomme maintenant, France, stationna sur ce qui devait être un jour Bourgogne et Beaune ; puis il y ficha des échalas.

Toutes les peuplades des contrées voisines et des autres parties du globe, de l’Afrique et surtout de l’Asie, déblatérèrent hautement contre le goût injuste de Noé, et les larmes qu’elles répandirent à ce sujet devinrent en si grande abondance, qu’elles formèrent une espèce de cataclysme.

Noé craignit pour sa vigne.

Mais Dieu pacificateur de toutes choses, en reconnaissant que le bon patriarche avait bien choisi son coteau pour qu’un jour il fût doré, Dieu assembla les peuples, descendit jusqu’à la terre, s’assit sur le monde, son trône, posa sur sa tête le soleil, son diadème ; puis il dit :

Peuples, cessez de pleurer, je fais cas de vos larmes, je les considère, car, je veux bien les renfermer dans un caveau que vient de creuser à l’instant ma toute-puissance. Une dalle en scellera l’entrée, à cette dalle, il y aura un anneau de fer ; et à cet anneau de fer seront invisiblement attachées les racines du dernier cep bourguignon : — celui qui les arrachera du sol amènera avec elle la pierre de ma volonté, et je permettrai qu’à jamais vos larmes l’engloutissent, ainsi que Beaune et Bourgogne.

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