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LE RAJAH DE BEDNOURE,

n’avait pas vu ce jeune homme depuis plus de quinze ans. L’inquiétude décida son départ d’une manière très-prompte : d’ailleurs, au moment de la mousson d’automne, il craignit d’exposer les jours de Solamé ; et nous demeurâmes chargés, l’une des sœurs du facteur et moi, de la tutelle de notre jeune amie.

J’ignorais alors l’histoire de la famille d’Averney ; mais je compris par quelques mots dits au hasard chez M. Makinston, qu’une longue suite de malheurs avait privé Solamé d’une grande fortune et du rang le plus élevé. Quelque vif que fût mon desir d’en apprendre davantage, j’étais décidé à ne jamais provoquer une confidence que j’espérais mériter. D’ailleurs, le sentiment indéfinissable qui m’occupait sans cesse auprès de M.lle d’Averney, contribuait à m’éloigner de ce qui aurait dû éveiller chez un autre la plus ardente curiosité. Comment peindre ce que j’éprouvais ? Quel nom mériterait cet attachement concentré, devenu en quelque sorte religieux, et dont toutes les jouissances auraient été détruites par le moindre des succès que l’amour ambitionne ?

Je passais cependant des journées entières,