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d’être obligée à qui me trouveroit là ; mais je retourne à ce que vous me disiez tout à l’heure ; arrive-t-il sur la Terre des changemens considérables ?

Il y a beaucoup d’apparence, répondis-je, qu’il en est arrivé. Plusieurs montagnes, élevées et fort éloignées de la mer, ont de grands lits de coquillages, qui marquent nécessairement que l’eau les a autrefois couvertes. Souvent, assez loin encore de la mer, on trouve des pierres, ou sont des poissons pétrifiés. Qui peut les avoir mis là, si la mer n’y a pas été ? Les fables disent qu’Hercule sépara avec ses deux mains deux montagnes nommées Calpé et Abyla, qui étant situées entre l’Afrique et l’Espagne, arrêtoient l’océan, et qu’aussitôt la mer entra avec violence dans les terres, et fit ce grand golfe qu’on appelle la Méditerranée. Les fables ne sont point tout à fait des fables, ce sont des histoires des temps reculés, mais qui ont été défigurées, ou par l’ignorance des peuples, ou par l’amour qu’ils avoient pour le merveilleux, très anciennes maladies des hommes. Qu’Hercule ait séparé deux montagnes avec ses deux mains, cela n’est pas trop croyable ; mais que du temps de quelque Hercule, car il y en a cinquante, l’Océan ait enfoncé deux montagnes plus faibles que les autres, peut-être à l’aide de quelque tremblement de terre,