Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxi
M. DE FONTANES

plus vite le dénoûment préparé par vos exploits et votre politique. Les Transtéverins se sont chargés de servir votre impatience, et le pape, dit-on, vient de perdre toute sa puissance temporelle ; je m’imagine que vous transporterez le siège de la nouvelle république lombarde au milieu de cette Rome pleine d’antiques souvenirs, et qui pourra s’instruire encore sous vous à l’art de conquérir le reste de l’Italie.

« On prétend qu’à ce propos le ministre Acton disait naguère au roi de Naples : — Sire, les français ont déjà la moitié du pied dans la botte. Encore un coup, et ils l’y feront entrer tout entier. — Acton pourrait bien avoir raison. Qu’en dites-vous ?

« Mais je soupçonne encore de plus vastes combinaisons. Le théâtre de l’Italie est déjà trop étroit pour la grandeur de vos vues. Je rêve souvent à vos correspondances avec les anciens peuples de la Grèce, et même avec leurs prêtres, avec leur papa ; car, en habile homme, vous avez soin de ne pas vous brouiller avec les opinions religieuses.

« Une insurrection des Grecs contre les Turcs qui les oppriment est un événement très probable, si on vous laisse faire, et si Aubert-Dubayet[1] vous seconde. L’insurrection peut se communiquer facilement aux janissaires, et l’histoire ottomane est déjà pleine des révolutions tragiques dont ils furent les instruments.

« Ainsi, je ne serais point étonné que vous eussiez conçu le projet hardi de planter à la fois l’étendard français sur les murs du Vatican et sur les tours du sérail, dans la capitale des États chrétiens et dans celle de Mahomet. Ce serait, il faut en convenir, une étrange manière de renouveler l’empire d’Orient et celui d’Occident. Mais vous m’avez accoutumé aux prodiges ; et ce qu’il y a de plus invraisemblable est toujours ce qui s’exécute le plus facilement depuis l’origine de la révolution française.

  1. Ambassadeur à Constantinople.