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M. DE FONTANES

vèrent. En déclarant le tort de M. de Fontanes, on sent le besoin de se l’expliquer.

Fontanes, comme Racine, comme beaucoup d’écrivains d’un talent doux, affectueux, tendre, avait tout à côté l’épigramme facile, acérée. Chez lui la goutte de miel lent et pur était gardée d’un aiguillon très vigilant. S’il ne montrait d’ordinaire que de la sensibilité dans le talent, il portait de la passion dans le goût. Il était, ai-je dit, de l’école française en tout point : et, en effet, tout ce qui, à quelque degré, tenait au germanisme, à l’anglomanie, à l’idéologie, à l’économisme, au jansénisme, tout ce qui sentait l’outré, l’obscur, l’emphatique, se liait dans son esprit par une association rapide et invincible ; il voyait de très loin et très vite : son imagination faisait le reste. En somme, toutes les antipathies qu’on se figure que Voltaire aurait eues si vives durant la révolution et de nos jours, Fontanes les a eues et nous les représente, et non par routine ni par tradition, mais bien vives, bien senties, bien originales aussi ; il était né tel. De la famille de Racine par le cœur et par les vers, il touchait à Voltaire par l’esprit et par le ton courant. Très aisément son tact fin tressaillait offensé, irrité : son accent se faisait moqueur ; et, en même temps, sa veine de poëte sensible, et son imagination plutôt riante, n’en souffraient pas. Qu’on approuve ou non, il faut convenir que tout cela constitue en M. de Fontanes un ensemble bien varié et qui se tient, une nature, un homme enfin.

Or, il n’aimait pas les femmes savantes, les femmes politiques, les femmes philosophes. S’il ne faisait dès lors que prévoir et redouter ce qui s’est émancipé depuis, il doit sembler, comme au reste, en un bon nombre de ses jugements, beaucoup moins étroit que prompt. En admirateur du xviie siècle, il permettait sans doute à madame de Sévigné ses lettres, à madame de Lafayette ses tendres romans ; il aurait passé à madame de Stael ses Lettres sur Jean-Jacques, comme probablement il tolérait ses vers d’élégie chez madame Dufrenoy ; mais c’était là l’exception et l’extrême limite. Une célébrité