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ŒUVRES DE FONTANES.

Meurs, et cède la place à la Postérité :
Déjà d’un front joyeux, au plaisir préparée,
D’un vêtement de fleurs avec grince parée,
Jeune, et donnant le jour à des peuples nouveaux
Elle croit, et s’avance au milieu des tombeaux.
Homme, ne tarde plus : le temps presse, commande.
Et la terre muette en secret te demande.

 Infortuné, dis-tu, permets-moi de pleurer :
Quand je désire encor, me faut-il expirer ?
Ô douleur ! le trépas va fermer ma paupière ;
Adieu, chère cabane, où j’ai vu la lumière !
Faut-il perdre sitôt, enlevé par le temps,
Le souris d’une épouse, et les fleurs du printemps ?
La mort a fait un signe, et ma tombe s’entr’ouvre.
J’existe : encore une heure, et ce sable me couvre.
L’épouvaute me glace : ah ! puis-je sans frémir
Sonder ce lit étroit où je vais m’endormir,
Où, plongé dans la nuit, dépouillé, solitaire,
L’homme, enfant du limon, rentre au sein de la terre
Où, telle qu’un flambeau qui perd ses derniers feux.
L’âme, fille des sens, se dissipe avec eux ?

 Console-toi ! rejette une erreur insensée.
Citoyenne des Cieux, ta vivante pensée
Ne pourra de la mort éprouver le sommeil.
Celui dont la parole, appelant le soleil,
Des ombres du chaos fit jaillir la lumière,
A d’un souffle immortel fécondé ta poussière.