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LA GRÈCE SAUVÉE.

Les transporte vivants sur la rive opposée.
Tout à coup, jusqu’au fond de son noir souterrain,
L’Enfer s’ouvre en grondant, et, sur des gonds d’airain,
On entend, à grand bruit, tourner ses larges portes,
Où du puissant Xerxès les nombreuses cohortes
Pourraient passer de front avec leurs étendards,
Leurs tours, leurs éléphants, leurs coursiers et leurs chars.
Alecton et ses sœurs près du seuil apparaissent ;
Leurs serpents sur leurs fronts sifflent et se redressent ;
De Cerbère en courroux les voix ont menacé ;
Mais, à l’aspect du Dieu, le monstre terrassé
Courbe son triple front, et, dans son antre énorme,
Allongeant les replis de sa croupe difforme,
Couvre un espace immense, et repose endormi
Sur des os teints de sang et rongés à demi.
« C’est ici, dit le Dieu, la demeure infernale.

 « Lorsqu’opposant au Ciel une lutte inégale,
« Encélade et Mimas et Typhon renversés
« Roulèrent sous les monts qu’il savaient entassés,
« Jupiter, qu’indignait leur audace rebelle,
« En secret appela, pour venger sa querelle,
« Thémis, sœur de Saturne et fille d’Uranus,
« Et lui remit ses droits trop longtemps méconnus.
« Thémis, se dérobant à la céleste voute,
« Vers ces bords désolés prit aussitôt sa route ;
« Un sinistre nuage enveloppait son front ;
« Seule, et pendant trois nuits, de ce gouffre profond,
« Elle creuse l’enceinte et marqua la mesure,
« Et, pour chaque forfait, d’une main toujours sûre,