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M. DE FONTANES

une de celles qu’il nous plairait de pouvoir approcher, et. dans le voile sombre qui la couvrait déjà à demi, elle semblait nous promettre tout bas plus qu’elle ne montrait. Sensible (par pressentiment) à l’outrage de l’oubli pour les poëtes, nous nous demandions si tout avait péri de cette muse discrète dont on ne savait que de rares accents, si tout en devait rester à jamais épars, comme, au vent d’automne, des feuilles d’heure en heure plus égarées. L’idée nous revenait par instants de voir recueillis ces fragmens, ces restes, disjecti membra poetæ, de savoir où trouver enfin, où montrer l’urne close et décente d’un chantre aimable qui fut à la fois un dernier-venu et un précurseur. C’était donc déjà pour nous un caprice et un choix de goût, une inconstance de plus si l’on veut, mais j’ose dire aussi, une piété de poésie, avant d’être, comme aujourd’hui, un honneur.

Louis de Fontanes naquit à Niort, le 6 mars 1757, d’une famille ancienne, mais que les malheurs du temps et les persécutions religieuses avaient fait déchoir. L’étoile du berceau de madame de Maintenon semble avoir jeté quelque influence de goût, d’esprit et de destinée sur le sien. La famille Fontanes, autrefois établie dans les Cévennes (comté d’Alais), y avait possédé le fief d’Apennès ou des Apennès, dont le nom lui était resté (Fontanes des Apennès) ; un village y portait aussi le nom de Fontanes. Mais, à l’époque où naquit le poëte, ce n’étaient plus là que des souvenirs. Sa famille, comme protestante, ne vivait, depuis la révocation de l’édit de Nantes, que d’une vie précaire, errante et’presque clandestine. Son grand-père, son père même étaient protestants ; il ne le fut pas. Sa mère, catholique, avait, en se mariant, exigé que ses fils ou filles entrassent dans la communion dominante. Les premières années de cet enfant à imagination tendre et sensible, furent très pénibles, très sombres. Son frère aîné avait étudié au collège des oratoriens de Niort ; mais lui, le second, sans doute à cause de la gêne domestique, fut confié d’abord à un simple curé de village, ancien oratorien, le Père Bory,